69% des jeunes déclarent manquer d’informations scientifiques sur le réchauffement climatique
La Fondation du Collège de France présente les résultats de l’enquête « Les jeunes et la science : quelle crédibilité accordent-ils aux scientifiques sur les questions environnementales ? » menée cet automne avec IPSOS à l’occasion du lancement de l’initiative Avenir Commun Durable.
Confronté à un péril environnemental sans précédent, notre siècle fait face à un défi considérable : mener la transition écologique et énergétique. À l’occasion du lancement d’Avenir Commun Durable, initiative née de la volonté des professeurs du Collège de France de s’engager et de prendre part à ce combat, la Fondation du Collège de France a souhaité mener une étude auprès des jeunes Français pour mieux appréhender leur rapport à la science et au réchauffement climatique. La jeunesse a-t-elle confiance dans les scientifiques ? Est-elle intéressée par les enjeux scientifiques du XXIème siècle ? Dans quelle mesure est-elle préoccupée par le réchauffement climatique ? Quel est son niveau de connaissance sur le sujet et à quel point est-elle victime de la circulation de fausses informations ? Enfin, comment s’informe-t-elle ?
Chiffres clés de l’étude
· 47% des jeunes pensent que la réalité du réchauffement climatique n’a pas été démontrée scientifiquement
· 55% pensent que l’énergie nucléaire contribue autant au réchauffement climatique que le gaz ou le charbon
· 46% déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « gaz à effet de serre »
· 55% déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « empreinte écologique »
Pourtant
· 80% ont confiance dans les chercheurs pour donner des informations objectives sur les enjeux scientifiques
· 79% se disent intéressés par la thématique du réchauffement climatique
· 44% citent le réchauffement climatique parmi leurs principales préoccupations (en tête devant le pouvoir d’achat : 41%)
Le réchauffement climatique, première préoccupation des 18-35 ans
Une large majorité des jeunes exprime un intérêt pour les thématiques scientifiques, au premier rang desquelles se place le réchauffement climatique avec près de 4 jeunes sur 5 se déclarant intéressés. Le réchauffement climatique est également la préoccupation sociétale la plus citée parmi les 18-35 ans (44%), devant le pouvoir d’achat (34%), les inégalités sociales (34%) ou encore le terrorisme (29%). À l’occasion d’entretiens de groupes, les jeunes participants ont fait part de leurs sentiments de colère, d’inquiétude, de tristesse et d’impuissance face à ce sujet, certains déclarant souffrir d’éco-anxiété.
Curieux et engagés, les jeunes considèrent qu’il est important de suivre les débats entre experts scientifiques pour comprendre les enjeux et les évolutions de la société actuelle (81%). Pour eux, les chercheurs occupent un rôle essentiel dans la transmission de l’information, perception rendue possible par la crédibilité accordée au discours scientifique. De fait, 4 jeunes sur 5 déclarent faire confiance aux chercheurs pour leur donner des informations objectives sur les grands enjeux de la recherche scientifique (80%), un score particulièrement élevé à rebours de leur défiance vis-à-vis des grandes institutions de la vie politique (moins d’1 jeune sur 2 déclare faire confiance au gouvernement ou aux députés spécialisés dans les questions scientifiques).
Marquée par des attentes très fortes à l’égard de la communauté scientifique qui a joué le jeu de l’exposition médiatique, la crise sanitaire, si elle a rendu visible certains désaccords, entame peu cette confiance envers la parole scientifique. Ainsi, près d’1 jeune sur 2 estime que la période que nous traversons a renforcé sa confiance dans les scientifiques (49%). Néanmoins, à l’exception des experts du champ médical ayant pris la parole dans le cadre de la pandémie, les jeunes font le constat du manque de présence de scientifiques et de chercheurs identifiés dans l’espace public. Ils peinent d’ailleurs à citer des noms de figures contemporaines, leurs connaissances se trouvant bien souvent cantonnées à des figures historiques (Pasteur, Curie, Einstein voire Pythagore).
Des connaissances encore très limitées sur le réchauffement climatique
Malgré leur intérêt pour les questions climatiques et leur confiance dans les scientifiques, une large majorité des jeunes considère qu’il est difficile de se faire une opinion sur la gravité des conséquences du réchauffement climatique (67%) et reconnait avoir du mal à comprendre les enjeux de transition énergétique (63%). Ils sont d’ailleurs près de deux tiers à déclarer manquer d’informations scientifiques sur le réchauffement climatique (69%) et trois quarts d’entre eux ont le sentiment d’entendre tout et son contraire à ce sujet (72%).
L’enquête révèle que ces difficultés de compréhension sont dues au fait qu’ils ne disposent pas des clés pour appréhender les débats. Ainsi, 46% des jeunes déclarent mal connaître la signification du terme « gaz à effet de serre », voire pas du tout (11%), et 69% mal connaître la signification du terme « neutralité carbone », voire pas du tout (27%). Même l’expression « développement durable » n’est pas claire pour une part importante d’entre eux (42%). De plus, leurs connaissances semblent biaisées, en particulier en matière de transition énergétique. Ainsi, 55% des jeunes pensent que l’énergie nucléaire contribue autant au réchauffement climatique que le gaz ou le charbon. Plus inquiétant encore, près de la moitié des personnes interrogées pense que la réalité du réchauffement climatique n’a pas été démontrée scientifiquement (47%).
Pour s’informer, des supports vidéo en ligne dans un format court
Et pour cause, les supports qu’ils utilisent pour s’informer peuvent être considérés comme potentiellement vecteurs de contenus très subjectifs. C’est le cas des chaînes YouTube que trois quarts des jeunes déclarent regarder régulièrement pour s’informer sur les sujets scientifiques (74%), ou encore des réseaux sociaux (69%). S’ils s’informent également via d’autres sources (chaines télévisées : 68%, Google actualités : 66%, médias en ligne classiques : 62%, ou encore journaux et magazines papier : 48%), les jeunes interrogés témoignent se fier majoritairement aux contenus proposés par les algorithmes des différentes plateformes qu’ils fréquentent. Un biais dont ils sont conscients mais qui ne les empêche pas, en tant que digital natives, de montrer une certaine assurance quant à leur capacité à se prémunir des fake news.
Avenir Commun Durable : porter la parole scientifique auprès d’un public jeune
C’est le sens de l’engagement des professeurs du Collège de France avec l’initiative Avenir Commun Durable. Lancée cet automne, cette initiative rassemble les chercheurs de nombreuses disciplines (économie, chimie, mathématiques, histoire, droit…) autour de la volonté de relever le défi de la science pour l’environnement. Leur ambition : faire dialoguer leurs domaines d’expertise pour faire émerger de nouvelles idées et diffuser des informations scientifiques vérifiées pour nourrir la réflexion de tous, en portant notamment la parole scientifique auprès d’un public jeune.
« Ce que nous voulons faire ici à Avenir Commun Durable, c’est nous rendre utile, en tant que scientifiques, face à cette question du changement climatique, à ses enjeux, à ses urgences, et placer la recherche en train de se faire devant la société, telle qu’elle est. » — Patrick Boucheron, chaire Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècles, lors du colloque « Changement climatique : transition ou adaptation », 17 novembre 2021
Flavie Dubois-Mazeyrie
Avenir Commun Durable est une initiative portée par le Collège de France et qui bénéficie du soutien de la Fondation du Collège de France grâce au mécénat de Covéa, TotalEnergies, Faurecia et Saint-Gobain.