L’ADN « poubelle » : clé de compréhension de la maladie de Parkinson ?
Deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson se caractérise par la perte progressive de certains neurones du cerveau et par une baisse de la production de dopamine entrainant une perte du contrôle des mouvements. A ce jour, il n’existe aucun traitement curatif pour soigner cette pathologie dont seuls les symptômes sont traités, mais une découverte récente de l’équipe du Dr Julia Fuchs, rattachée à la chaire Processus morphogénétiques du Pr Prochiantz, ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques. Présentation de ce projet de recherche mené avec le soutien de la Fondation du Collège de France et du Fonds Saint-Michel.
Le stress oxydatif à l’origine de la dégénérescence des neurones dopaminergiques
La maladie de Parkinson met en jeu un élément indispensable au contrôle des mouvements du corps humain : la dopamine, dont la diminution de la concentration, liée à la disparition progressive des neurones dopaminergiques, est à l’origine de la maladie. Cette affection chronique est lentement évolutive et se définit par la présence de symptômes moteurs (tremblements de repos, lenteur et difficulté de mouvement, rigidité musculaire, troubles de l’équilibre) associés à des symptômes non-moteurs variables (tels que constipation, fatigue, dépression et anxiété, troubles du sommeil, troubles de l’odorat, troubles cognitifs).
Les mécanismes de déclenchement et d’évolution classiquement invoqués dans la maladie de Parkinson sont nombreux. Parmi eux, nous retrouvons le stress oxydatif qui apparait lorsque notre corps se fait agresser par les radicaux libres, des molécules potentiellement nocives qui paradoxalement proviennent essentiellement de l’oxygène que nous respirons pour vivre. D’autres mécanismes sont également pointés du doigt comme le dysfonctionnement mitochondrial, la dérégulation de l’autophagie, l’agrégation des protéines, la neuro inflammation ou encore, plus généralement, le vieillissement.
Nous avons pu montrer récemment que le stress oxydatif, facteur également impliqué dans le vieillissement, induit des cassures double-brin dans l’ADN et entraine la dégénérescence des neurones dopaminergiques. Le décompactage de l’ADN engendré par cette déstructuration conduit à une augmentation des séquences d’ADN normalement maintenues et réprimées dans l’hétérochromatine.
La stabilité du génome compromise par la mobilité des séquences « d’ADN poubelle »
Les séquences d’ADN répétées suite à cette déstructuration ont longtemps été considérées comme de « l’ADN poubelle ». Ce n’est qu’en 2001 que les chercheurs se sont aperçus de leur énorme quantité. Il apparait aujourd’hui que l’amplification des séquences dérivées de ces éléments a joué un rôle important dans le remodelage du génome humain au cours de l’évolution mais que leur mobilité représente aussi un danger pour son intégrité. Si la plupart de ces éléments ne sont plus mobiles, certains éléments de la famille LINE-1 (Long Interspersed Nuclear Element 1 ; L1) sont encore potentiellement actifs et capables de sauter d’un endroit à l’autre.
Plusieurs mécanismes empêchent la mobilité des séquences d’ADN mais la diminution avec l’âge de ces mécanismes pourrait avoir des effets délétères et compromettre la stabilité du génome. Notre équipe a montré qu’une partie des cassures d’ADN induite par le stress oxydatif est provoquée par les L1. A l’inverse nous avons pu mettre en évidence que différentes stratégies qui entrainent la répression des L1 permettent de protéger les neurones dopaminergiques contre le stress oxydatif.
Diminuer les L1 pour traiter la maladie de Parkinson
Une diminution des L1 dans le cerveau pourrait s’avérer bénéfique dans la prévention et/ou le traitement de la maladie de Parkinson. L’étude du rôle pathogénique de l’activation des L1 au cours du vieillissement cérébral et dans la pathogénie de la maladie de Parkinson apparait aujourd’hui comme un enjeu majeur. Nous étudions donc la présence et la quantité de ces éléments dans le cerveau humain en fonction de l’âge et de la présence d’une pathologie neurodégénérative.
Les travaux menés par notre équipe montrent que la terra incognita de l’ADN « poubelle » pourrait bien détenir les clés pour mieux comprendre les mécanismes pathogéniques de la maladie de Parkinson et d’autres maladies neurodégénératives, ouvrant alors de nettes perspectives pour la recherche médicale.
Julia Fuchs
Assistée de Lucie Batier Le Goff, Fondation du Collège de France